vendredi 13 juin 2014

l'abus d'alcool

Salade de fraises et menthe fraîche, associée à Dieu Jr,
de Dennis Cooper, éditions P.O.L.
C'était dimanche je crois. Je m'offrais une pause lecture au soleil, sur une pelouse très fréquentée lorsqu'il fait chaud. (J'ai déjà publié des billets rédigés depuis cette herbe-là, ou restituant des anecdotes de ce square-là.)

Devant moi il y a trois jeunes filles en pleine discussion qui pourraient être une image facile de la France black blanc beur. Celle que j'entends le plus est celle dont la peau est la plus laiteuse. Elle me rappelle une amie actrice, le même menton pointu et surtout une façon de parler rapidement, comme dans l'urgence, de ponctuer ou de finir ses phrases d'un rire chuintant, la bouche s'ouvrant peu mais s'étirant largement sur les côtés, les yeux plissés à en paraître fermés.
Elles font partie elles-aussi des habitués de cet espace vert. Celle dont la voix me parvient (bien que pariellement seulement) évoque une rencontre précédente, avec "des turcs" sympas qui avaient des bières :
- Ils étaient sexy, celui qui te draguait... Moi celui qui me draguait, avec les cheveux longs, il  me faisait peur.

Plus tard elles se penchent sur une cicatrice que celle-ci, toujours la même, porte au coup de pied. Elle explique :
- Les mecs étaient bourrés. Ils m'ont mise dans un caddie et m'ont lancée sur la pente, je suis partie comme ça (rires) mais en bas y'a une voiture qu'est arrivée d'un coup, on s'est frôlé à ça (elle montre, en riant beaucoup, une distance de trois centimètres avec le pouce et l'index), on a eu de la chance, après je suis tombée plus loin, je me suis ouvert là (elle pointe le bombé du pied).
Les deux copines la regarde avec un air discrètement consterné, lui parlant bas comme si un niveau trop sonore risquait de créer chez leur amie une prise de conscience trop aigue. L'une d'elles questionne si elle a eu mal.
-J'étais bourrée, répond-elle.
 
Son téléphone sonne. Elle regarde l'écran sans décrocher et commente à l'attention des deux autres, c'est un mec trop relou qui insiste, bla bla bla. Je n'entends pas tout mais j'ai l'impression qu'une de ses amies lui demande si elle n'aurait pas rencontré ce mec lors d'une soirée où..., bla bla bla, il est question d'un groupe de potes "arabes", non, ce n'est pas à cette occasion mais cela amène la jeune fille à se souvenir de ce soir-là :
-ah c'était horrible il m'a giclé dans la bouche sans prévenir, j'ai cru que j'allais vomir (elle rit, agite ses doigts devant la bouche, exécute des mimiques de dégoût).
Une question inaudible.
-J'avais mes règles...
-Mais pourquoi tu as fait ça?
-J'étais bourrée. 

1 commentaire:

  1. Et bien dis-donc, il s'en passe (ou du moins il s'en raconte) au square des Vinaigriers !

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