jeudi 28 janvier 2016

à l'école de Scola

Pour fêter le retour du débit Internet (bien que la fête ne soit pas vraiment d'actualité face à ce filet hésitant et sujet aux coupures, merci Free), je me jette sur Arte Replay : les trois épisodes des Pharaons de l'Egypte moderne (Nasser, Sadate, Moubarak) et, avant-hier soir Une journée Particulière, de feu Ettore Scola.

Entre les deux, je visionne (c'est mon habitude), la dernière vidéo de revendication de Daesh, celle où apparaissent les assassins kamikazes des attentats parisiens du 13 novembre. C'est long à écouter, tous ces jeunes gens qui n'ont finalement rien à dire, et lisent plus ou moins ouvertement des textes répétitifs, ennuyeux, sans esprit. Ces déclarations ânonnantes sont alternées avec des démonstrations de violence vues et re-vues qui me laissent toujours perplexe : il semble qu'il faille trouver héroïque de tuer d'une balle derrière la tête un homme désarmé, à genoux et les mains attachées dans le dos... Ou que brandir une tête coupée soit le signe d'une virilité triomphante.
Je n'arrive même plus à être ému par ces jeunes gens perdus, je les trouve justes bêtes et fatigants, le pompon revenant au petit frisé (Bilal H.) qui brandit toujours son index au ciel, seule érection qui semble autorisée dans cet univers mortifère.

Une journée particulière a été tourné en 1977, presque quarante ans après le long documentaire noir et blanc qui l'inaugure, film dans le film, images de propagande de la journée du 8 mai 1938 où Hitler rend visite au Duce : images hallucinantes, terrifiantes, irréelles, folle parade dont le commentaire radiodiffusé va irriguer toutes les scènes d'intérieur comme d'extérieur de l'oeuvre de Scola.

Le Palazzo Federici, de l'architecte Mario
de Renzi, inauguré en 1931, phalanstère
où est tourné Une journée particulière.

C'est presque la même durée, quarante ans, qui séparent la date de sa sortie et ce jour où je le redécouvre. Le film de propagande en ouverture fait figure de document pour le spectateur : le joyeux défilé et la liesse populaire rendent d'autant plus présente la violence, celle que nous savons, historique, et celle qui sature la fiction, sourde, infiltrée dans toutes choses (le quotidien, l'espace, les représentations, le désir, les paroles etc). La fiction documente cette violence invisible que la propagande ne montre pas non plus.

La propagande, elle, est clairement une fiction, une narration utilisant des éléments identifiés comme réels à des fins de reconstruction idéologique.

C'est sans doute ce film-là, Une journée particulière, nourri de retenue, d'éthique et d'intelligence cinématographique qu'auraient dû voir et revoir François Margolin et Lemine Ould Salem les réalisateurs du film Salafistes, décidément interdit au moins de 18 ans.
Tout réalisateur est responsable de ses images.


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