lundi 8 février 2016

la représentation

Ma mère aurait besoin d'une réforme de l'orthographe beaucoup moins timide que celle qu'on nous propose.
Il y a les mots anglais, comme je l'ai déjà expliqué (Filtre d'amour), qui devraient subir un réel lifting pour être intelligibles : fleurte, smaillelai etc.
Grace à elle je découvre d'autres difficultés dont l'Académie devrait s'emparer de suite. 
Son cerveau malade ayant mémorisé les airs de "La montagne" et "Que serais-je sans toi", interprétés par Jean Ferrat, j'ai imprimé les paroles pour que ma mère puisse les fredonner avec le texte. Dans le poème d'Aragon, elle bute ce soir sur un obstacle qu'elle sautait d'habitude sans problème. Dans "Que serais-je sans toi que ce balbutiement", elle prononce balbu-ti-ment au lieu de balbu-scie-ment. Alors, vite, une réforme!!

Mais je plaisante bien sûr car ma mère a rejoint maintenant les poètes et ceux qui s'affranchissent de l'étroitesse du signifiant.
Hier soir, assis à ses côtés, je me frotte les paupières.
- Tu as mal aux genoux?
- Non, aux yeux.
- Odieux, aux dieux?
- Non, aux z'yeux!
- Ah... Aux yeux. J'ai dit odieux.
- Oui. C'était une blague, tu as voulu faire un jeu de mot?
- Je l'ai fait exprès, affirme t-elle avec un sourire malicieux.
En réalité elle restitue l'association vécue dans son corps entre "mal" et "genou", due à l'arthrose.

Parfois sa poésie involontaire guidée par la phonétique, rend hommage à Un mot pour un autre, de Jean Tardieu, .
Quand je suis penché à m'occuper de ses pieds :
- Tu dois être familier, à rester comme ça.
(C'est fatigué qu'elle veut dire)

Ou encore, un jour où, en riant, je lui dis :
- Tu es tout de même spéciale !
Elle reprend, ravie :
- Tu me trouves spectacle ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire