jeudi 15 décembre 2016

la guerre (suite 2)

Quand Benoist Rey fait lire son manuscrit à son retour d'Algérie, d'après Jean-Marc Raynaud, des éditions Libertaires, plusieurs grands éditeurs n'en veulent pas : "Vous mentez, l'armée française ne peut agir ainsi" se serait-il entendu opposer.

Il est aussi question dans le livre  de l'usage répétée et banalisée de la torture, des exécutions sommaires de prisonniers ou de simples suspects, certains égorgés dans le maquis afin que l'odeur du sang attire les sangliers, qui seront ensuite servis à la table des militaires. La guerre, ça donne faim.

La France est pourtant, à cette date, signataire de la convention de Genève.

On trouve sur le Web le pdf du livre de Paul Aussaresses, Services spéciaux Algérie 1955-1957, édité en 2001 chez Perrin.
On peut y lire :

" Nous avons fait une centaine de prisonniers qui ont été abattus sur-le-champ.
Il y a eu d'autres exécutions sur mon ordre après la bataille de Philippeville. Nous avions capturé environ mille cinq cents hommes, des rebelles arrêtés le jour même ou le lendemain. [...]
Bien sûr, parmi ces prisonniers, il y avait des montagnards,des types de la campagne qu 'on avait enrôlés de force. Souvent nous les connaissions. Ceux-là, nous les avons vite libérés.
Mais il y avait les autres, les acharnés, ceux qui étaient prêts à recommencer le lendemain si on leur en donnait l'ordre.[...]
Alors j'ai désigné les équipes de sous-officiers et je leur ai donné l'ordre d'aller exécuter les prisonniers." (Page 67-68)

"Le couvre-feu décidé par  Massu fut rapidement mis en place. Les patrouilles exécutèrent les ordres et tirèrent sur tout ce qui bougeait. On laissa les morts sur place. On n'avait pas le temps de s'en occuper et il fallait qu'on les voie bien. Pour être crédibles, les parachutistes devaient en effet se montrer plus redoutables que le FLN.
Des exécutions sommaires ainsi pratiquées dans les rues d'Alger prouvaient la détermination du gouvernement dont nous étions le bras armé." (Page 109)

"Nous procédions aux interrogatoires au fur et à mesure que les prisonniers arrivaient. Aux Tourelles, comme dans les régiments responsables de secteurs, la torture était systématiquement utilisée si le prisonnier refusait de parler, ce qui était très souvent le cas.[...]
La plupart du temps, mes hommes partaient à une vingtaine de kilomètres d'Alger dans des maquis lointains et les suspects étaient abattus d'une rafale de mitraillette puis enterrés. Les exécutions n'avaient jamais lieu au même endroit." (Page 147)

"Il était rare que les prisonniers interrogés la nuit se trouvent encore vivants au petit matin. Qu'ils aient parlé ou pas, ils étaient généralement neutralisés.
Il était impossible de les remettre dans le circuit judiciaire. Ils étaient trop nombreux et les rouages de la machine se seraient grippés. [...] Parmi les assignés à résidence, quelques-uns étaient dirigés vers le circuit judiciaire. C'était de mon ressort et ça se décidait dans la journée.
Plus de vingt mille personnes sont passées par ce camp : trois pour cent de la population de l'agglomération d'Alger. Comment confier tous ces gens à la Justice?" (Page 154)

On pourrait multiplier les extraits.

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