lundi 5 décembre 2016

presque Noël

Je la rejoins plus tôt que d'habitude : la salle du réfectoire bruisse des conversations des pensionnaires, ma mère est encore attablée avec son compagnon de repas, la troisième personne qui visiblement occupait leur table a déjà déserté les lieux et j'en profite pour m'asseoir à sa place. Je salue l'homme avec lequel, à force de le croiser, j'ai une forme de complicité, bien que ses capacités intellectuelles semblent comparables maintenant à celles de ma mère.
Une des femmes de service ce soir-là s'approche de lui :
- Je vous emmène, vous allez regarder la télévision.
Il la regarde, surpris :
- On va regarder la télévision ?
- Non, VOUS ! Je vous accompagne, VOUS, vous allez regarder la télévision.
- Ah oui, j'aimerais beaucoup regarder la télévision.

Pendant cet échange ma mère les observe affichant des mimiques outrées, secouant la tête en guise de désapprobation. Je me demande si cette attitude est un désaveu de la présence de la femme de l'équipe encadrante (elle n'en aime quasiment aucune), ou si c'est parce qu'elle aurait le sentiment qu'on lui enlève son camarade de table. 
La conversation entre les deux continue, la femme précise :
- Je vous emmène parce que si vous montez seul, vous vous perdez dans les étages.
Lui ne rétorque rien et sagement, se lève pour la suivre. Ma mère continue à secouer la tête pour bien marquer qu'elle assiste à un spectacle qui me lui plait pas. 
- Qu'est-ce qu'il y a maman ? Tu fais une drôle de tête...
- Ah ben oui, il y a de quoi ! poursuit-elle avec son air scandalisé.
- Mais que se passe-t-il ?
- Ben, (elle les montre) y'en a aucun qui comprend l'autre.

Je ris beaucoup devant cette remarque hyper réaliste. Ma mère elle n'a évidemment pas conscience du comique de la situation. A ce moment, elle est d'ailleurs mobilisée par autre chose :
-Je me demande ce que c'est que cette sale bête qu'ils ont accrochée là-bas, blanc rouge et bleu.
En réalité, ce n'est pas bleu, c'est vert, c'est un Père Noël de carton, en 2 D, fixé sur un mur. Les décorations de fêtes ont fait leur apparition.
- Tu veux que je t'explique ce que c'est que le truc accroché là-bas ?
- Non. Mais vraiment on se demande ce qu'il leur prend.

Plus tard dans sa chambre je tente de la faire se souvenir de Noël.
- Tu sais à Noël on fait quelque chose de spécial avec un arbre.
- Non je ne sais pas.
Je lui chantonne Mon beau sapin, sans les paroles. Elle ne voit toujours pas mais retrouve rapidement la mélodie qu'elle chante avec joie.
- La chanson commence par Mon beau..., ça parle d'un arbre. Mon beau...
- Mon beau châtain ?

Presque maman, presque (il s'en faut d'un cheveu).


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