jeudi 29 décembre 2011

égyptiennes

Connaissez-vous Aliaa Elmahdy ? C'est la jeune fille égyptienne qui a défrayé la chronique il y a quelques mois en publiant sur son blog une photo d'elle nue. 
Instructives furent les réactions indignées des uns et des autres (et forcément des salafistes) que cette publication a suscitées alors que cette même toile du Web regorge d'images autrement plus "hot". 
Elles signalent une fois de plus que ce n'est pas la nudité qui choque, c'est la liberté, et plus que cela, la liberté d'une femme et la liberté affirmée.

Cette femme est de la génération des jeunes à l'origine de la révolution égyptienne, notamment de ceux du mouvement du 6 avril. Son ami, Karim Amer, blogueur lui aussi, a connu l'emprisonnement pour délit d'opinion : il avait osé critiquer le gouvernement et les autorités religieuses. Sur son blog actuellement, une compilation de photos et de vidéos qui montrent, si vous n'avez pas encore vu ces images pénibles, la répression militaire des dernières manifestations. Moi j'ai du mal à visionner tout cela.
La violence physique et psychologique qu'exercent l'armée et la police militaire s'apparente à celle d'une dictature, c'est chose bien rodée en Egypte. Voir à ce sujet l'article de Samuel Forey sur le site du Point. En quelques lignes il arrive a restituer la perversion de l'intimidation et la façon dont la perception du temps se modifie dès lors que l'on est plongé dans une zone de non droit.

Le sourire de Samira Ibrahim lors d'une interview
pour Al Jazeera.
"Mensonges" : c'est le titre de cette édition du journal Al Tahrir
commentant l'allocution de El Ganzouri alors que les images
de tabassage font le tour du monde. Tiré de Arabist.net

Autres femmes : celle que le monde entier connaît sous l'appellation du "blue bra". Tabassée alors que El Ganzouri affirme à la télévision que les militaires n'ont commis aucun actes violents (on se pince) ; et aussi Samira Ibrahim, celle qui a obtenu que les pseudo tests de virginité opérés par l'armée soient déclarés illégaux. Quelle victoire ! Humiliée lors de sa détention, mais déterminée : la honte est du côté des tortionnaires, pas de celui des victimes.
Enfin, toutes celles qui sont descendues dans la rue le 20 décembre, bravant la peur, l'insécurité orchestrée par le pouvoir. Compte rendu instructif sur le blog de Sylvie Nony (les manifestantes crient horeyya, ce qui signifie liberté, et me fait penser au tableau de Delacroix) et aussi vidéo en arabe ici, où l'on goûte (même si, comme moi, on ne comprend rien) la ferveur à prendre la parole et la diversité de la foule. 
Décidément, la révolution est bien là.

mercredi 21 décembre 2011

échappée

Ça fait du bien ce petit voyage à Tahiti, non ? 

En tout cas moi j'ai eu besoin d'évasion ces jours-ci. Dans la maison mega bordélique où subsiste encore des problèmes de plomberie ici et d'électricité là, il m'a fallu fuir ces mornes réalités. Pourtant, en passant devant toutes ces personnes qui vivent dans la rue, mes légers désarrois face à ces contrariétés ménagères me parurent bien relatifs.
Notamment ceux qui dorment sur la grille de métro, à quelques mètres de cet immense et fastueux pigeonnier que j'ai déjà mentionné ici, billet du 16 juillet, et qui, je l'assure, n'a jamais  – mais jamais! – vu l'ombre d'un pigeon nicher à l'intérieur depuis son implantation (mais combien ça a couté cette idiotie, cette maison vide, inaccessible, comme justement narguant les sdf du haut de son piédestal ?)


Difficile aussi de suivre l'actualité à mon rythme puisque mon accès Internet est toujours en rade : savoir que sous ses allures de procédure simplissime, la formule de déménagement de Free se résume en réalité à nouvelle inscription, ce qui prend une quinzaine de jours. Mais comme pour ce faire il est indispensable que la ligne du précédent locataire soit résilée, ce qui met aussi une quinzaine de jours, vous voici un mois sans téléphone ni connexion. Sympa... Je suis donc avec des jours de retard la situation égyptienne, et attends de glaner suffisamment d'informations pour me faire une idée juste sur le sujet.

Grâce à un ami qui me prête un ouvrage sur la relaxation psychanalytique (relaxation Michel Sapir), je me lance à farfouiller dans mes tas de livres (la bibliothèque n'est pour l'instant qu'une suite de colonnes, de stèles et de monticules serrés les uns contre les autres) à la recherche d'un bouquin sur Joyce McDougall. Contre toute attente je le trouve vite – il est signé de Ruth Menahem, mère de la belle et tant regrettée Nadine – et il côtoie sans raison logique Noa Noa que j'avais tout récemment acquis chez un soldeur.
Voilà pourquoi, au fil de mes échappées – qui comptèrent aussi le visionnage des films de Guy Gilles, dont je reparlerais sans doute – Gauguin a apporté ses couleurs à ce blog.
Et dans cette exploration, je me suis dit qu'il serait judicieux de mettre ma bibliothèque/dvdthèque en ligne, via un blog, sur le mode "je prête, je donne, je vends". Non qu'elle soit considérable, mais elle dort alors qu'elle pourrait éveiller.




lundi 19 décembre 2011

Paris Papeete

«[...]  Il arriva que j'eus besoin, pour mes projets de sculpture, d'un arbre de bois de rose; j'en voulais un plein et large. Je consultais Jotépha.
   "Il faut aller dans la montagne, me dit-il. Je connais, à un certain endroit, plusieurs beaux arbres. Si tu veux, je te conduirai, nous abattrons l'arbre qui te plaira et nous le rapporterons tous deux."
   Nous partîmes de bon matin. Les sentiers indiens sont à Tahiti assez difficiles pour un Européen. Entre deux montagnes qu'on ne saurait gravir, deux hautes murailles de basalte, se creuse une fissure où l'eau serpente à travers des rochers qu'elle détache, un jour que le ruisseau s'est fait torrent et qu'elle entrepose un peu plus loin pour les y reprendre un peu plus tard et finalement les pousser, les rouler jusqu'à la mer.

L'homme à la hache, 1891.

   [...] Nous allions tous les deux, nus avec le linge à la ceinture et la hache à la main, traversant maintes fois le ruisseau pour profiter d'un bout de sentier que mon compagnon semblait percevoir par l'odorat plutôt que par la vue, tant les herbes, les feuilles et les fleurs, en s'emparant de tout l'espace, y jetaient se splendide confusion.
   Le silence était complet, en dépit du bruit plaintif de l'eau dans les rochers, un bruit monotone, accompagnement de silence.
   Et, dans cette forêt merveilleuse, dans cette solitude, dans ce silence, nous étions deux – lui, un tout jeune homme, et moi un presque vieillard, l'âme défleurie de tant d'illusions, le corps lassé de tant d'efforts et cette longue et cette fatale hérédité des vices d'une société moralement et physiquement malade !
   Il marchait devant moi, dans la souplesse animale de ses formes gracieuses, androgynes : il me semblait voir en lui s'incarner, respirer toute cette splendeur végétale dont nous étions investis. Et d'elle en lui, par lui se dégageait, émanait un parfum de beauté qui enivrait mon âme, et où se mêlait comme une forte essence le sentiment de l'amitié produite entre nous par l'attraction mutuel du simple et du composé.
   Était-ce un homme qui marchait là devant moi ? Chez ces peuplades nues, comme chez les animaux, la différence entre les sexes est bien moins évidente que dans nos climats. Nous accentuons la faiblesse de la femme en lui épargnant les fatigues, c'est-à-dire les occasions de développement, et nous la modelons d'après un menteur idéal de gracilité.

Le cheval blanc, 1898, Musée d'orsay.

   À Tahiti, l'air de la forêt ou de la mer fortifie tous les poumons, élargit toutes les épaules, toutes les hanches, et les graviers de la plage ainsi que les rayons du soleil n'épargnent pas plus les femmes que les hommes. Elles font les même travaux que ceux-ci, ils ont l'indolence de celles-là : quelque chose de viril est en elles, et en eux quelque chose de féminin. Cette ressemblance des deux sexes facilite leur relation, que laisse parfaitement pure la nudité perpétuelle, en éliminant des mœurs toute idée d'inconnu, de privilèges mystérieux, de hasards ou de larcins heureux – toute cette livrée sadique, toutes ces couleurs honteuses et furtives de l'amour chez les civilisés.
   Pourquoi cette atténuation des différences entre les deux sexes, qui, chez les "sauvages", en faisant de l'homme et de la femme des amis autant que des amants, éarte d'eux la notion même du vice, l'évoquait-elle tout à coup chez un vieux civivlisé, avec le redoutable prestige du nouveau, de l'inconnu ?
   Et nous étions seulement tous deux.
   J'eus comme un sentiment de crime, le désir d'inconnu, le réveil du mal. Puis la lassitude du rôle du mâle qui doit toujours être fort, protecteur : de lourdes épaules à supporter. Être une minute l'être faible qui aime et obéit.
   Je m'approchais, sans peur des lois, le trouble aux tempes.
   Mais le sentier était fini ; pour traverser le ruisseau mon compagnon se détourna et dans ce mouvement me présenta sa poitrine.
   L'androgyne avait  disparu. C'était bien un jeune homme, et ses yeux innocents avaient la limpidité des eaux calmes.»

Extrait de Noa Noa, de Paul Gauguin, éditions Mille et une nuits. 

Je préfère généralement laisser les extraits sans commentaire. Mais juste une précision : Jotépha, le jeune homme cité dans le texte, est celui qui a servi de modèle pour l'homme à la hache, ainsi que pour le cheval blanc. Il apparaît en silhouette dans de nombreux tableaux de Gauguin. Celui-ci avait  43 ans lorsqu'il séjourna la première fois à Tahiti, en 1891. Arrivé en juin a Papeete, il quitte rapidement cette ville, qui lui semble pervertie par les Européens, pour habiter une case à quarante-cinq kilomètres de là. Jotépha est alors son voisin, un voisin curieux de l'activité artistique du peintre sculpteur.

lundi 12 décembre 2011

gare!

A midi je repasse à la maison pour une pause vélo-brico. Mes freins sont plutôt déficients, et en descendant sur les pistes cyclables de la rue Lafayette par temps de pluie, gare aux piétons!
Avec les fêtes et les hordes de consommateurs chargés de paquets, je vais en tuer un si je n'agis pas rapidement.


En montant à la maison chercher les outils nécessaires, je découvre la chambre et la mini salle de bains baignées de soleil, la lumière traversant l'appartement. J'ai hâte que tous les désagréments de l'installation soient derrière moi pour jouir pleinement de mon nouvel espace.
Après les ajustements sur ma bécane, je rejoins la rue d'Alsace pour profiter du spectacle des voies et de la gare de l'Est. Il fait beau sur Paris.

vendredi 9 décembre 2011

aujourd'hui

C'est donc la réponse au dernier commentaire posté : quand recommences-tu à "blogger" ? Aujourd'hui.

Les journées furent denses et pleines d'imprévus. Alain est venu à Paris pour les derniers jours d'empaquetage, et j'ai découvert qu'il abritait en lui la Marie Poppins que j'appelais de mes vœux. Son esprit positif rend tout plus léger. 
Quelques ombres au tableau : l'état des lieux du nouvel appartement révélait quelques altérations et son compte-rendu, reçu le lendemain, s'avérait fantaisiste.

Arrivée attendue du monte-meubles : l'ascenseur
de l'immeuble est si étroit qu'il faut s'y tenir
de profil et qu'un simple carton ne rentre pas.
Lundi, les déménageurs ont fait vite, à peine ralentis par le retard du monte-meubles. Ensuite la fin de la semaine s'est passée, outre la parenthèse de mercredi (conférence de psychothérapie), à planifier l'intervention du plombier, du monsieur gaz de France (un lapin posé, un!), du monsieur Darty, la contestation de l'état des lieux, le manque de téléphone et d'Internet (un jour ça remarchera sans doute)...
Ou encore, autre version : la fin de la semaine s'est passée à déballer des cartons dans un appartement sans lavabo (fuite), sans eau chaude ni chauffage (pas de gaz), avec des pauses au cyber café pour comprendre pourquoi ma ligne Free ne veut pas se déménager aussi simplement que sur le mode d'emploi, négocier des retards au boulot pour gérer les plages horaires des interventions techniques, rendre les clés de l'ancien logement à une agence qui a l'air d'avoir oublié que cet appartement exista, etc etc. 
Bref. Les habitués des déménagements connaissent tout cela par cœur.


Les derniers jours d'empaquetage à l'ancienne adresse ont été l'occasion de dire au revoir à quelques voisins croisés et au gardien d'immeuble, hyper serviable, qui va bien me manquer. Un moment d'émotion tout spécial lorsque ma voisine du dessous me révèle être tombée sur le blog : en février, dans un billet intitulé "septième ciel", je l'avais évoquée ainsi que son compagnon et leur amour des plantes, autour d'une anecdote portant sur un arbuste fleuri presque toute l'année, l'anisodontea el rayo. C'est en cherchant des infos sur la taille de ce végétal qu'elle a retrouvé le sien cité ici. Gentiment elle m'incite à poursuivre la tenue de ce blog. "Vous écrivez bien," dit-elle, et elle me rappelle son nom de famille pour que j'envoie aussi du courrier. Quelle gentillesse!

La vue côté rue.
Pour ma part je n'ai pas encore organisé le nouveau balcon, disposé les jardinières, les pots et les plantes. De là-haut, sur la droite,  on aperçoit les voies de la Gare de l'Est. 
J'ai toujours rêvé d'avoir vue sur une voie ferrée. Ici on est un peu loin tout de même, mais l'avantage est évidemment d'éviter le bruit du traffic. J'ai installé la chambre de l'autre côté, côté cour, et le soleil entre à flots. L'ancien appartement était exposé au Nord et cela fait longtemps que je n'avais pas pris de bain de soleil à la maison.


Mille merci pour tous les messages d'encouragements que j'ai reçu ces jours-ci, ici même, par sms, par mails etc. C'était bon!