lundi 1 octobre 2012

speed dating



-"C'est vrai, Marraine, que tu allais tous les dimanches à la messe!!?"
-"Bien sûr. À l'époque il n'y avait pas de discothèque, c'était la seule façon de voir du monde. Et de voir de quoi ils avaient l'air, les garçons du bourg, une fois qu'ils étaient rasés, lavés, bien habillés."
Ensuite, de savants jeux de regards, œillades appuyées et battements de paupières codaient  silencieusement le langage de l'intérêt et du désir, à la grâce de Dieu.

L'anecdote m'est racontée samedi midi par un cousin plus âgé que moi. La femme en question, qu'il avait questionnée, avait environ vingt ans dans les années trente. La scène décrite se passe dans un village du centre de la France, en Creuse. 
Autres temps.



"Lorsqu'une jeune fille a atteint l'âge de se marier, elle va tous les dimanches en robe de fête avec sa famille pour entendre la messe. Elle est ornée de chaînes d'or à son cou, une partie de la richesse de la famille (le même genre de chaînes qu'on voyait déjà sur les statuettes carthaginoises). Devant l'église, la jeune fille a la permission d'adresser des paroles cérémonieuses à de jeunes gens qui lui plaisent. À un jour fixé, les jeunes gens, parfois plus d'une douzaine, arrivent à la maison des parents de la jeune fille. Ces soirées, la plupart du temps c'est le jeudi ou le dimanche, se répètent chaque semaine. Alors, les garçons disant qu'ils vont a festajar (esp. cortejar - faire la cour, ibiz. faire la fête).

C'est une coutume inviolable que l'heure de la visite, c'est-à-dire deux heures, est divisée en minutes entre les aspirants. Arrivés à la sala de la maison des parents de la jeune fille, ils s'asseyent le long du banc de pierre ou sur des chaises rangées. Au milieu de la sala il y a trois chaises. Maintenant la jeune fille entre en robe de fête et traditionnellement un mouchoir à la main. Elle étale un drap de laine (abrigall) sur la chaise de gauche et s'assied dessus. Et la cour commence. Chacun à son tour, en observant sévèrement la règle des minutes permises, l'un des garçons après l'autre s'assied sur la chaise de droite, laissant celle du milieu libre, il met le pied gauche sur le rayon de la chaise du milieu. En cette position on fait une conversation très innocente en chuchotant. Les minutes de conversations passées, les autres garçons jettent des petites pierres, réservées dans leurs poches, pour le forcer de faire place à son successeur. Si la jeune fille est d'une beauté reconnue – et il y en a quelques unes –, et s'il y a plusieurs sœurs à a maison, les garçons amènent leurs amis et il y a parfois une grande société. En ces circonstances, la jeune fille peut festejar avec deux garçons à la fois, ce qu'elle sait faire très habilement et spirituellement ; car jusqu'au moment qu'elle a choisi, elle n'a pas la permission de préférer personne."
Raoul Hausmann, extrait de Recherches ethno-anthropologiques sur les Pituyses, Revue anthropologique, cité dans Raoul Hausmann architecte. 1933 1936, Ibiza, édition Fondation pour l'architecture.

Les photos d'aujourd'hui sont prises dans la lounge Cathy et David Guetta à l'aeroport d'Ibiza.
Les photos d'hier sont tirées, en haut du livre Ibiza de 1967 que j'ai déjà cité en légende dans le billet du 13 septembre (photo Joaquim Gomis), et en bas du livre noté ci-dessus.

1 commentaire:

  1. Un lounge Cathy et David Guetta à l'aéroport ? Je me pince !

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