mardi 3 mars 2015

trois jours pour souffler

Dans le métro.
- Oh, mais tais-toi à la fin ! Tais-toi !
L'éclat de voix me fait tourner la tête. Il s'agit d'une petite dame aux cheveux teints en roux, soixante dix ans environ, assise sur un strapontin. Je ne la distingue pas très bien, elle est de profil par rapport à moi qui suis debout, elle parle à son voisin, un homme âgé lui aussi, dont je ne vois pas du tout le visage qui est tourné vers elle, ou baissé vers ses genoux.
- Ne me parle pas ! En plus tu pues !
La violence du ton cadre mal avec l'allure de cette mamie qui semble dessinée par Jacques Faizant. Lui, il répond, mais je n'entends pas grand chose, quelques bribes ("cul lavé"). Sa mise est un peu défaite, ses vêtements sales, une calvitie disperse des cheveux blancs grisés, assez longs, autour du crâne, comme des herbes sur un terrain vague.
- Cinq ans. J'ai été bien cinq ans avec toi et après ça a été fini j'ai voulu divorcer.
Il l'apprend à l'instant. Son intonation marque la surprise et la moquerie : mais il n'y croit pas vraiment. Tout ce temps sans rien dire. J'entends cette fois qu'il demande pourquoi elle ne l'a pas fait.
- À cause des convenances.
- Des convenances ??!!
- Oui, des convenances. J'en ai parlé à mon père et...
Les phrases se superposent, je comprends qu'il moque le père, ensuite il est question de leurs enfants pour lesquels elle serait restée, lui les décrit comme "un crétin et un idiot".
La petite dame ajoute :
- Oh, si au moins tu pouvais crever trois jours avant moi, ça me ferait trois jours de tranquillité, rien que ça, mais ce serait déjà ça.

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