mercredi 20 avril 2016

soleil noir

J'ai passé le week end avec Basquiat. Enfin, quelques heures, le temps d'une histoire qui, on le sait, finit mal : à la fin il meurt, à 27 ans, d'une overdose.

Quelques heures donc, une parenthèse dans les années quatre-vingt rendue possible par le livre La veuve Basquiat, de Jennifer Clement : une suite de chapitres, comme autant de Polaroïd, ou de croquis à plusieurs mains, pochades de l'auteur et souvenirs de son amie Suzanne Mallouk, la dite veuve, juxtaposés.

Suzanne rencontre Jean-Michel au Night Birds, où elle est barmaid. Pendant deux mois, il vient, la regarde mais ne lui parle pas. Ensuite il s'installe chez elle. Elle est loin d'être la seule personne avec qui Jean, comme elle l'appelle, couche. Elle n'est pas la seule a devenir une ex. Mais elle est celle-ci, celle autour de laquelle tournent les éclats kaléidoscopiques de ce récit.

"Jean Michel ne lit jamais. Il feuillette des ouvrages de mythologie, d'histoire
ou d'anatomie, des BD ou des journaux. Il recherche les mots qui l'atteignent
et les met sur la toile. Il écoute ce que dit Suzanne et l'écrit sur ses dessins.
Il écoute la télévision."

La drogue (beaucoup), la peinture, les musées, l'enfance, les os, les noirs, les boxeurs, Andy Warhol, l'argent, la célébrité, la mère, Madonna, les graffeurs, New York, le vaudou... On retrouve tout ce que l'on sait déjà de Basquiat pour l'avoir lu dans différents articles, mais ici en petits fragments de vie qui tiennent dans la main, au détour d'une journée, d'un trip de trop. Une engueulade, une blague, une discussion... sont l'origine de toiles identifiables. Suzanne est Venus, une Venus trop arabe pour sa mère, le mot Venus marqué sur certaines des peintures.

Ces photos ne sont pas issues du livre qui, à part sa couverture, n'est pas illustré.
Elles ont été faites par une autre ex de Basquiat, Paige Powell, qu'il rencontre en 1983.
Leur exposition, à New York, en 2014, suscita certaines critiques :
le peintre aurait-il de son vivant accepté l'exhibition de ces moments d'intimité ?

"Non seulement vous êtes le plus grand artiste que j'aie jamais vu, mais vous avez le plus beau sexe que j'aie jamais vu," déclare René Ricard quand Jean Michel Basquiat lui ouvre la porte, à poil. Lui, il écrit des poèmes. C'est le New York du Mudd Club et du Paradise Garage. On croise des VIP et des gens moins connus, Diego Cortez, Annina Nosei, William Burrough et Keith Haring, aussi Michael Stewart, jeune noir mort de la violence policière.

Le doux Michael Stewart, 25 ans, batttu à mort
le 15 septembre 1983 par sept policiers new-yorkais.

En fait, c'est peu relaté, mais ce bouquin est une réédition d'une publication de 2003 intitulée En compagnie de Basquiat. Il a bénéficié d'une nouvelle traduction, d'un ajout aussi, un post scriptum daté de 2010 plutôt inutile.

Drôles d'années. Andy Warhol meurt en 1987, Jean-Michel Basquiat en 1988, Robert Mapplethorpe en 1989 et Keith Haring en 1990.
Suzanne, elle, après un court passage par la chanson, a pris un autre chemin. Elle est aujourd'hui psychothérapeute.

La veuve Basquiat, de Jennifer Clement, est publié chez Christian Bourgeois.


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