mercredi 15 décembre 2010

l'autre monde 2

Donc si vous avez bien suivi je suis là, dans cet environnement tout blanc, assis torse nu, en slip, le pantalon a demi baissé sur les cuisses (pour que le bouton ne gène pas le scanner), comme si, frappé par la foudre en train de me déshabiller,  je m'étais retrouvé subitement projeté en l'état au paradis (je sais, je rêve) et découvrant que le paradis est pavé de mauvaises intentions.

- Une injection, de quelle injection parlez-vous ?...
S'ensuit une âpre discussion où il apparaît que le radiologue, que je n'ai pas vu et ne verrais pas, a donc décidé que ce serait un scanner avec injection. Balancements dans ma tête entre partir, convaincre, tout annuler, accepter...
Explications avec elle, la belle femme et lui, le joli garçon, qui visiblement sont tout de même ennuyés. Moi je tempête calmement : je suis décidément mal informé, non je n'ai pas le temps de revenir un autre jour j'ai curieusement autre chose à faire, mais pourquoi on ne téléphone pas une bonne fois pour toute au docteur Gé, oui si on ne peut pas faire autrement qu'on le fasse ce putain de scan...  Finalement ils acceptent d'aller en parler au radiologue pour qu'il téléphone au docteur Gé pour que etc.
Résultat des courses, scanner sans injection. Moi cela ne me paraît pas étrange quand j'ai pris une dose de produit radioactif dans les veines la veille de ne pas vouloir récidiver le lendemain avec une dose de produit iodé.

Ensuite j'ai un peu de temps avant le rendez-vous de l'anesthésiste. Je vais prendre un café à la cafet' de l'hôpital, je me renseigne pour les possibilités de connexions Internet (Wi-Fi dans le hall, cable dans les chambres, tout payant avec forfait à carte).

Je suis déjà depuis un petit moment devant la porte du docteur Ef quand celui-ci vient chercher sa patiente de 14 heures j'imagine. Moi j'ai rendez-vous à 14h20. L'homme passe et ce qui frappe sur cet homme en blouse et à cheveux blancs ce sont ses sabots rose tyrien. Plutôt marrant. Entre temps je vois arriver des personnes qui, comme moi, ont des feuilles de circulation entre les mains et n'ont pas très bien l'air de savoir où aller, parlent toutes seules, hésitent, se trompent, repartent.
Moi qui pensais expédier le rendez-vous avec l'anesthésiste en un quart d'heure je commence à douter. Finalement c'est à 14h30 que monsieur Ef libère sa patiente et vient me chercher.

Il s'installe à son bureau sans me regarder, sans me convier à m'asseoir et en me disant "fermez la porte derrière vous". Silence de mort. Je suis assis en face de Ef qui tourne les pages de mon dossier au ralenti. Pas un mot, surtout pas un regard. Puis il commence à questionner, aussi à me regarder, le tout me semble interminable. Il y a un nouveau temps mort où il ne dit rien et reste le nez sur ses pages, la tuyauterie du chauffage (?) commence à faire des clong clong clong à intervalles réguliers et je retrouve les mêmes sensations qu'enfant, dans la maison de mes grands-parents, en Creuse, où mon arrière-grand-père avait une petite pièce de prédilection dont il n'allumait la lumière que la nuit vraiment tombée, il y restait la journée dans un fauteuil dont les accoudoirs se terminaient en tête de chien et à part sa respiration le seul bruit était celui d'une horloge à balancier : clong clong clong.

Puis le docteur Ef parle de l'après opération et voilà qui m'intéresse car je n'ai pas eu l'occasion de questionner beaucoup le docteur Gé là-dessus. Je ne sais pas quel sort on m'a jeté mais je trouve aussi que Ef a un look télévisuel. On ne l'imagine pas autrement que dans sa blouse, le genre d'acteur qui toute sa vie aurait des rôles de pharmacien, chimiste etc. Bref.
Ce que j'apprends c'est que je vais avoir tout de même assez mal pendant les premiers jours (le drain) et être sous morphine (avec pompe à actionner moi-même), que je vais être essoufflé et gêné pendant au moins un mois. Pas très marrant.

L'entretien s'éternise à nouveau, je regarde ma montre car je dois rejoindre le journal pas trop tard tout de même. Je glisse un "on n'a pas autre chose à se dire ?" sans effet pour clore le rendez-vous. Et voilà qu'au moment où je crois ma libération proche, docteur Ef annonce :
- Vous allez faire faire des prélèvements...
- Des prélèvements, comment ça, maintenant ?
- Oui, des prélèvements en prévision de l'opération...
- Mais est-ce que je peux les faire en ville ?
- Oui, mais il vous faudra aller voir un cardiologue aussi car je demande un electrocardiogramme...
(J'imagine déjà les files d'attentes dans les secteurs cardio et prélèvements de l'hôpital, les bras m'en tombent)
- Ce n'est vraiment pas pratique de ne pas en être prévenu à l'avance, moi je n'ai pas du tout prévu cela, j'ai pris ma matinée et à priori je dois retourner bosser cet après midi.
- Ah mais vous pouvez partir si vous voulez.
- Oui je sais mais il faudrait tout de même que l'hôpital prenne en compte la réalité des malades
- Ah, ponctue le docteur Ef avec un petit rire, c'est vrai que nous sommes monstrueux.
- Il n'est pas question d'être monstrueux mais informer les patients ne me parait pas très compliqué.
- Mais pourquoi vous êtes-vous inscrit en consultation de l'après-midi alors, me fait Ef en saisissant et en agitant dans l'air sa liste de patients à voir.
- Je ne suis pas inscrit en consultation de l'après midi, j'ai un rendez-vous d'anesthésie à 14h20, pas plus, c'est tout. En revanche je me serais organisé différemment si on m'avait dit il y a trois mois quand j'ai pris le rendez-vous qu'il fallait prévoir un temps pour des examens dans la foulée.
- Mais on ne pouvait pas vous le dire il y a trois mois puisque c'est moi qui décide quels examens il faut faire, suggère Ef d'un air de César prédestinant à la vie des gladiateurs mais commençant à s'énerver sur son siège.
- On ne pouvait sans doute pas me dire lesquels mais apparemment je ne suis pas un cas particulier, il y en a à faire chaque fois et donc il aurait suffi de m'en informer. Une seule phrase suffit, c'est extrêmement simple.
Inutile de préciser que Ef fulmine. Et que quand je prends sa feuille d'examens à faire et lui demande où aller, il me fait : "le couloir à droite en sortant et tout au fond" d'une voix furibonde. Inutile de préciser que l'information est inexacte. Dans ce couloir à droite rien ne ressemble à un endroit où je dois me rendre et une secrétaire que je questionne n'en sait pas plus et doit se faire aider par une autre pour m'indiquer où aller. C'est un autre couloir au fond à gauche.
Par chance il n'y a personne et je peux faire tous ces examens en trois secondes. Avec une bonne infirmière joufflue qui me pique sans que je ne sente rien, mais vraiment rien de rien. Et qui a un petit regard de fierté quand je le lui dis.

1 commentaire:

  1. Mireille et Léon sont tombés gravement malades début octobre. Hospitalisés tous deux en même temps pour des pathologies soudaines et cognées. Je les ai vus devenir deux objets dans les mains des médecins. Pour essayer de comprendre ce qu'il leur arrivait exactement, quels étaient les traitements, quelles seraient les suites, j'ai passé du temps avec les médecins. J'ai été atterré. Il ne fait pas bon être vieux dans un hôpital de province.

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