mercredi 11 mai 2011

le fil du temps

Angers toujours. Dimanche. Ce n'est vraiment pas simple de se nettoyer le regard pour rencontrer, à nouveau, des œuvres avec un œil neuf. Combien de rivières et de fleuves faudrait-il faire passer à l'intérieur de soi pour laver à grande eau, quoi, son âme ? Son passé ? L'engourdissement de l'émerveillement sous le charbon des années ? 
Vaine tentative de redécouvrir le monde.

Mais si je me suis mis en telle condition d'espérer l'innocence de la première fois, c'est que j'ai pris la décision d'aller voir des tapisseries de Jean Lurçat. Eh oui, Jean Lurçat.




Après une balade matinale dans le quartier de la Doutre (où je croise un drôle de Pendu) et la visite de l"église de la Trinité avec ses belles voûtes angevines, je rejoins l'hôpital Saint Jean qui accueille un musée et un ensemble de dix tapissseries de Lurçat créé comme une version moderne de celle de l'Apocalype. 

J'apprends d'ailleurs à l'occasion que c'est la vision de cette dernière qui influença le peintre Lurçat et le fit devenir ce que nous savons de lui : l'homme du renouveau de la tapisserie. Ce pour quoi son ensemble à lui, intitulé le Chant du monde, a trouvé sa place dans la ville d'Angers.


Depuis combien d'années ne m'étais-je pas retrouvé comme ça, face à face avec un Lurçat? Adolescent j'ai aimé le personnage "sauveur des lissiers" (sensibilisé par ma proximité relative avec Aubusson) mais j'ai depuis bien longtemps développé une aversion pour ce style d'expression qui me rend presque nauséeux.


La fin de tout, Lurçat,
atelier Picaud, Aubusson, 1959.


Les retrouvailles ont été étranges. J'ai finalement trouvé des qualités que j'avais ignorées, puis me suis laissé rebuter par ce sentiment de surabondance, d'excès que j'éprouvais dans le passé. Il y a de l'impact, des simplifications heureuses et des couleurs parfaites, puis soudain comme un remplissage, des superpositions à n'en plus finir, des juxtapositions sans fin, des motifs qui, de décoratifs qu'ils se veulent, deviennent répulsifs. L'ensemble tient le coup, dans son genre. Les deux plus sobres tentures, verticales, me touchent un peu plus que le reste. 
Plus tard j'essaye de partager cela avec mon amie de voyage qui est rentrée plus tôt à Paris. Elle ne connaît pas Lurçat et me demande à quoi ça ressemble. J'ai bien du mal à lui décrire.


L'homme d'Hiroshima, Lurçat,
atelier Tabard, Aubusson, 1957.

2 commentaires:

  1. Chacun de ces derniers posts établit une liste d'œuvres et d'artistes que j'aime particulièrement beaucoup. Ils continuent de remporter tous les examens que je leur fais passer... le pire étant l'épreuve du temps. À chaque fois que je revois, la Nuit du Chasseur, mon émotion reste intacte, idem pour Pina et pour la Tapisserie d'Angers. Quant à JC Mitchell et J. Lurçat, je les trouve assez proches !

    RépondreSupprimer
  2. Ah! J'adore le rapprochement entre JC MItchell et Lurçat...
    Voilà effectivement ce qui donne un nouveau regard sur les deux!

    RépondreSupprimer