lundi 25 juin 2012

face à face

Jeudi soir. J'entre dans un petit restau turc de mon ancien quartier, périmètre que l'on appelait auparavant le petit Istanbul mais qui s'est lui-même métissé au point de rendre cette expression exagérée. Une petite pièce vitrine donne sur la rue et fait office de snack quand l'espace restaurant, aveugle, rythmé de tables et de chaises recouvertes de patchwork de velours, se prolonge dans le corps de l'immeuble, la seule luminosité étant celle d'un grand écran de télévision tout au fond qui diffuse des images vert pelouse. Après avoir commandé, j'interroge le serveur : 
- "C'est France Espagne ?"
- "Non. C'est Allemagne..."
L'autre pays lui manque. En revanche l'enjeu du match me revient en tête, c'est le fameux derby de la dette.
-"Allemagne-Grèce", je termine. Mais l'écran étant trop loin pour que je puisse lire le score je questionne à nouveau : "Qui gagne ?"
_"0-0"
De l'autre côté de la rue il y a un autre lieu turc, un simple café celui-ci, où je ne suis jamais entré de ma vie. De ma place, en me retournant, je vois aussi en fond de leur salle l'écran plasma qui diffuse la rencontre sportive.
En une seconde je les suppose, comme moi, pour la Grèce — le Sud contre le Nord, les Bruns contre les Blonds —, et la seconde suivante je me souviens que non, bien sûr que non, ce sont des frères ennemis, comment ai-je pu oublier ?
L'Allemagne marque un but là-bas, dans l'obscurité de la salle, loin de mon assiette döner. Dix bonnes secondes après retentit une clameur de joie et d'excitation dans le café d'en face. Je me retourne : c'est le même but bien sûr, que les mystères de la retransmission font advenir plus tard de l'autre côté de la rue , comme si une fracture temporelle avait lieu le long du trottoir, suivant la chaussée. Côté pair de la rue, l'univers a douze secondes d'avance.

Samedi.
"... Non mais lui, faut le voir, c'est un buvard le mec. Il a été manufacturé dans de la bière..." J'attrape cette bribe de conversation dans la rue, en suivant involontairement deux hommes verts, pas martiens mais préposés au nettoyage de la voirie. Ça me fait sourire car s'est dit avec humour, avec gouaille, mais cela me rappelle un commentaire entendu la veille, sur France Inter, au cours du 7/9. Un des deux commentateurs sportifs invités déclare tout de go : " Ribéry, il est pas fini". Personne ne proteste. Je me demande comment il est possible de tenir de tels propos sur des sportifs en compétition? Et comment alors peut-on reprocher les paroles de tels ou tels sportifs à l'égard de la presse ?Devant la boutique de jouets que dépassent mes deux hommes verts, le vendeur sort un drapeau espagnol sur l'étal extérieur.
-"C'est le dernier qui me reste, j'ai tout vendu." Au moins un français pour qui la semaine s'achève bien.
 Dimanche. Flûte je me suis levé plus tard que prévu. C'est journée couscous loin de Paris aujourd'hui, et je ne sais plus si j'ai rendez-vous à République ou place du Colonel Fabien avec la voiture qui doit m'y emmener. J'ai acheté des marguerites funky pour la mère de mon amie M., j'en ai pris aussi un pot pour moi, on les croirait imaginées par Pierre et Gilles (je soupçonne qu'elles ne plairont pas à Z., maintenant que je fantasme toutes les mères amoureuses de factices roses de cimetière...) 
Pour l'autre match, c'est en principe aujourd'hui à 15 heures que le résultat sera proclamé : Mohamed Morsi ou Ahmad Chafiq. Le goupillon ou le sabre. Certains disent que Morsi a négocié avec l'armée pour éviter les troubles, que de toutes façons les militaires tiennent les rênes du pouvoir après l'invalidation des sièges de l'Assemblée.

Le soir quand je rentre la pluie incessante a ruiné mon pot de fleurs sur le balcon. Pour l'Egypte, on sait. Morsi. La barbe.
Morsi ou Chafiq ? Sacrément
envie de faire l'autruche.

1 commentaire:

  1. La pluie d'hier a aussi ruiné mes petites fleurs de la cour pavée de l'Annexe. Ah qué misère...

    RépondreSupprimer