mardi 29 avril 2014

Noor, ciné lumière


J'ai enfin vu le film Noor, dont j'avais posté ici la bande annonce.

C'est un voyage, de ceux qui sont riches de rencontres.

Noor, le personnage central, joue son propre rôle : une figure mue par l'amour. Son appartenance (ou non) au monde des Khusras (est-il transgenre, transsexuel, travesti?) s'élucide petit à petit. Le spectateur n'est pas embarqué sur des rails, il semble découvrir au fil des images une histoire et ses personnages : c'est la culture documentaire des réalisateurs, qui avance par petites touches, qui produit une narration comme au travers du film.
Pas de brusquerie. Tout s'apprivoise, petit à petit.
C'est le rythme de la rencontre. Il faut prendre le temps de découvrir la vie du héros (Noor est alors orphelin), sa passion (la danse), ses rêves (reconquérir un corps d'homme, que doit signaler une barbe et une moustache, pour séduire une femme), le contexte social. C'est parfois dit, parfois montré, parfois fulgurant.

C'est l'anti-cinéma gros sabot : tout est subtil, sensible, les ambiguïtés sont données à voir (à qui veut les voir) sans jugement. Tout s'explique, par l'image, par la ferveur. Pourquoi cet homme, en quête d'image masculine socialement codifiée, garde sa longue chevelure? Il n'y a qu'à le regarder danser pour comprendre. Rien ne s'oppose, tout s'additionne.
Le désir est basique, aride, comme cette chambre que n'habille qu'un miroir taché et une lampe. Le désir est brûlant, exubérant comme ces trucks sur-bariolés, comme ces hommes-femmes aguicheuses. L'illusion et la réalité, indissociables comme le reflet du ciel dans un lac... L'illusion est la réalité. Ici les musiciens peuvent être sourds, rien n'est question que d'organe. Dieu veille.

Le film est tiré au cordeau, sans graisse, profondément juste. Les paysages sublimes du Pakistan sont là, a leur place, personnages aussi : pas de grandiloquence pittoresque, pas de facilités exotiques, pas de "roadmouverie" à rallonge. On sent du respect pour le spectateur, pour les personnages et pour le cinéma.

Une certaine image de l'opiniâtreté :
Çagla Zencirci, à gauche de l'entrée,
pour faire connaître son film.

Lorsque j'arrive au Mk2 Beaubourg, je crois reconnaître devant le ciné Guillaume Giovanetti et Çagla Zencirci, les réalisateurs. Ce sont bien eux. Comme ils habitent dans le quartier, ils viennent distribuer des brochures pour leur film aux indécis qui hésitent devant les affiches. Ils sont mignons : lui, avec sa chevelure plus Michel Foucault que Sébastien Le Tellier (voir, à ce sujet d'importance, l'article intéressant sur le blog du Monde, ici), elle, avec son sourire a faire fondre un iceberg. Ils nous font le cadeau d'un film singulier, et accessoirement de l'un des plus beaux levers de soleil au cinéma.

À voir tant que c'est en salles, vite vite.

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