mercredi 21 mai 2014

l'homophobie tranquille

Un ami, qui reçoit de nombreux livres en service de presse, m'avait proposé d'en choisir quelques uns dans les piles qui envahissent son bureau. J'avais pris un roman policier (c'était en prévision des heures au soleil à révasser face à la mer), signé de celui qui est considéré comme le plus grand auteur du Mali, Moussa Konaté. L'écrivain est mort en fin d'année dernière, en France, où il résidait, et son polar posthume (Meurtre à Tombouctou) est publié aux éditions Métailié noir.
Si vous lisez ici et là des critiques du livre, elles seront bienveillantes. On vous vendra "l'exotisme", "la fine description d'une société" complexe, bref on vous avertira que l'ouvrage est un prétexte à dépeindre les différents visages du Mali dans les pas du commissaire Habib et de son accolyte Sosso dont c'est, je crois, la quatrième aventure.
De mon côté je ne peux vous en livrer des extraits (comme je le fais parfois), j'ai jeté le volume dans la poubelle de l'hôtel (comme je le fais rarement).

Que l'on pardonne l'indigence de l'énigme, peut-être : au tiers de l'ouvrage il ne s'est rien passé, si ce n'est la mort inexpliquée d'un jeune touareg, et l'attaque ratée contre un touriste français. L'écriture est plate, naïve, l'épaisseur des personnages minime.
Spoiler : la moitié des pages tournées, il ne s'est toujours rien passé de plus, si ce n'est que n'importe quel lecteur a déjà compris qui a fait le coup (c'est la vieille : le corps du touareg recèle de la drogue, la vieille est experte en médecine naturelle). En revanche, les protagonistes de l'enquête se grattent toujours la tête.

Non, le plus étonnant de ce roman, qui semble avoir été "travaillé avec son éditrice, Anne-Marie Métailié", c'est son caractère tranquillement homophobe. Le touriste français qui a réchappé a l'attaque ratée semble timide, réservé, et n'a pas, oh surprise, de petite amie locale. Le lecteur, décidément plus vif que les enquêteurs perplexes, peut supposer qu'il préfère les hommes.
Un soir, Sosso, accompagné d'un autre personnage français (lui, montré très sympathique, volubile, dansant, drageur de filles, ne cessant de blaguer sur la possibilité d'être polygame au Mali), se rendent ensemble dans une boîte ou un bar, je ne me souviens plus. Re oh surprise, ils découvrent leur touriste français au bar, en grande séance de séduction avec un homme.
C'est alors que s'étale une visqueuse représentation de l'homosexuel. Bien entendu, il a forcément double visage : de timide on le découvre bavard, de sobre on le découvre buveur. L'homosexuel est dissimulateur, fourbe. Les deux enquêteurs en déduisent donc (sans rire !!!) qu'il doit être un trafiquant de drogue. Plus tard ils observent le touriste revenir à l'hôtel avec son ami : évidemment il se tient mal, il est impudique, dépravé. Commentaire dans le bouquin : pas étonnant que des attitudes comme cela suscitent des réactions hostiles...

Je me demande : y'a un comité de lecture chez Métailié ???

1 commentaire:

  1. Consternant wa nouss. Dis, les enquêteurs qui se grattent la tête, c'est une private joke ?

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