mercredi 21 mai 2014

melting mum

Ce soir elle est plutôt joyeuse. Je note plusieurs fois que s'évaporent les mots dont elle aurait besoin pour s'exprimer, qu'elle aimerait me répondre mais ne sait pas avec quoi.
Par exemple, elle se plaint que j'apporte tout pour le dîner.
- C'est normal tu ne m'as pas dit ce qu'il te manquait, alors dans le doute, j'amène tout.
- Bon, eh bien la prochaine fois je...., je..., ... Comment tu disais déjà ?

Elle n'a pas renoncé à la cigarette,
et continue de changer de vernis à ongle
le plus souvent possible. 
Nous dînons ensemble.
- Tu sais que dimanche c'est la fête des mères ?
Elle me regarde avec l'air indécis qui signale que le sens lui échappe, mais pas totalement. Elle connaît une partie de l'information à traiter, mais ne sait plus trop comment. Dans ce cas elle tente toujours de donner le change.
- La fête des mères ? Alors on va faire des trucs à qui ?
J'éclate de rire :
- Mais à toi !
- À moi ??!! 
Là en revanche le ton et la mimique signent clairement de l'inquiétude. Ça me rappelle le jour de son anniversaire, où le gâteau avec ses bougies la paniquaient.
- Oui, les enfants font un cadeau à leur mère ce jour-là.
Elle ne relève pas. Je poursuis :
- Tu fêtais la fête des mères et la fête des pères avec tes parents quand tu étais enfant ?
- Oh oui ! Enfin même, je veux dire, on était presque obligé, dès qu'ils étaient nés. Après bien sûr on grandissait plus vite. (Un silence) C'est mon père qui nous coiffait quand on était petite, c'était affreux, il nous coiffait avec les mains, comme ça. (Elle montre une main avec les doigts écartés comme pour faire un râteau).
- C'était pour vous démêler les cheveux ? Pourquoi il n'utilisait pas un peigne ?
- Est-ce qu'il y avait même un peigne à la maison ? (Elle fait une moue dubitative) Je ne sais pas. Ça faisait mal, c'était affreux. On avait quand même le droit d'aller à pied un petit peu loin, un endroit où on se lavait.
Elle se souvient des douches publiques où la famille se rendait de proche en proche, leur HLM de l'époque étant mal équipé et les forçant la plupart du temps à se laver dans un bac : il y avait huit enfants tout de même.
- C'est lui qui nous coiffait, reprend-elle. Enfin il devait bien se rendre compte que ça faisait mal,  je me demande bien ce qu'il éprouvait.
- Tu penses qu'il était un peu sadique avec vous ?
- Je ne sais pas. C'est après qu'on repense à ces choses-là. Ma mère il ne fallait pas lui demander de prendre un balai. Ça ne l'intéressait pas du tout. Elle passait son temps à lire. Je ne sais pas où elle trouvait tous ces livres. On courait autour d'elle dans la maison et souvent avec le coude on cassait un carreau. Elle continuait à lire. Je ne sais pas pourquoi ça me revient maintenant : il n'y a aucune raison parce que là, je ne suis pas dans une maison, je ne suis pas en train de courir, je ne sais pas pourquoi ça me revient là...

Je lui offre en avance ces quelques nouvelles couleurs métallisées
 (un ami me souffle : "ta mère sera prête pour le Mondial",
en référence aux teintes du drapeau brésilien).
Maman est très excitée par la couleur verte : "celle-ci je ne l'ai jamais vue,
je la mettrai en première".

3 commentaires:

  1. Ces billets-mother sont comme un feuilleton tendre et déchirant que nous suivons. Nous devons être plusieurs à les lire comme on va aux nouvelles. Et merci à ta maman de me rappeler que je devrais ne pas oublier la mienne ce dimanche.

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  2. une femme arc en ciel?

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  3. euh! Rainbow mum devrai-je dire :)

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