vendredi 2 septembre 2011

pleurir

Hier soir je dîne avec ma mère, dont c'est aussi l'anniversaire dans quelques jours. J'ai acheté un bouquet de fleurs et, dans la rue dont la plupart des commerces sont encore fermés à cause des vacances d'été, je regarde à droite et à gauche, indécis, si j'aperçois une boulangerie où quérir un gâteau.
- Ne cherchez pas pour les fleurs, je suis là ! me lance malicieusement une jeune femme en robe légère qui passe sur le trottoir et a noté mon hésitation. Puis partant d'un petit rire elle ajoute en s'éloignant : elles sont très jolies.


Je trouve ma mère dans un état finalement assez proche du mien, dans une alternance de moments de tristesse quasi organique, qui donne la nausée et pousse les larmes à la surface du visage, et de moments qui s'enivrent de leur propre mobilité, de leur capacité soudaine à ne plus se figer dans ce drame qui nous a comme immobilisés tous. Ne plus penser à l'incompréhensible fracas des jours passés, mais s'éveiller lentement à la vie, comme l'enfant blessé qui lui aussi sort progressivement du coma depuis hier et découvre son corps mutilé. Différent. Rendu asymétrique. 
Penser aux possibles, penser à la force de l'enfant qui saura faire pousser en lui un titan aux cent bras.

Ce matin une amie du journal enterrait son père et j'étais convié par elle à un cocktail post funérailles au centre militaire de Saint-Augustin. Arrivé un peu en avance, et pas très sûr de mon geste, j'entre dans l'église du même nom, sur la place, qui a une silhouette étrange, presque celle d'une grange sur-dimensionnée. Je ne sais pas très bien ce que je viens y chercher : je crois que j'aimerais tomber nez à nez devant mister Dieu et lui dire ma façon de penser. 
À l'intérieur ce qui est prédominant pour moi, ce sont les volutes d'encens et les références byzantines qui imprègnent la décoration. Je me chuchote : "c'est avant l'accident qu'il aurait fallu prier, pas maintenant", et je finis par envier cet homme d'affaire en costume, immobile devant une vierge, avant de m'énerver plus loin, remarquant une représentation de saint Jean-Baptiste : qu'attendre de ce lieu où l'on voit des martyrs présenter leur tête sur un plateau ?!

"Buvons à la vie qui nous reste et à l'exigence de la rendre belle", chuchotai-je à P. quelques instants plus tard. Dieu est peut-être caché dans les fleurs, ou bien dans les bulles de champagne.






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