mercredi 18 janvier 2012

jeudi soir zurichois


Je suis dans un autobus. Autour, la nuit, et un quartier de la ville que je ne distingue plus, tant les vitrines et les éclairages sont rares, et presque rien ne troue ce noir bitume qui englue tout.
Quelques heures plus tôt j'ai fait le même trajet, dans le sens inverse, par une obscurité moins dense, et la laideur des lieux m'a frappé au visage. Qu'est-ce que le beau quand on est élevé ici, quand le regard s'éduque dans cet environnement ?
Le bus continue sa traversée du quartier. À l'étage d'un immeuble, furtivement j'aperçois un groupe de femmes en justaucorps : mouvements de bras en l'air, mouvements des têtes qui suivent celle de la prof de fitness. Stores vénitiens, buée sur les vitres. Plus loin, un rez-de-chaussée affiche le mot massage en lettres lumineuses, maladroitement tracées avec une guirlande multicolore. Massage suisse ? À l'edelweiss et au lait de vache ?... Enfin l'autobus atteint une partie de la ville plus vivante. Un arrêt devant un vieux cinéma qui programme toujours des films labellisés art et essai. Encore un arrêt et je dois normalement trouver le Pekin's garden dont m'a parlé A.
Le voici. À l'intérieur, ambiance fast food, asiatique. Des panneaux de couleur avec les photos des mets, des formules menu a, menu b etc.
Je commande un "poulet satay",  ("poulet sataille", reprend la serveuse) et un "klein Coca" ("klein Cola" dit-elle). À ma gauche, un écran de télévision diffuse une finale (?) de lancer de fléchettes. Compétition entre un homme en chemisette blanche et un homme en chemisette noire, physique de bikers du Wyoming, buveurs de bière, mimiques de concentration et gestuelle de catcheur disproportionnée après le jet de ces mini javelots à ailettes. Un moment je me laisse prendre, hypnotisé, par l'alternance de gros plans de la cible et de plans américains des joueurs qui brandissent le poing vers la salle, éructant des cris que je n'entends pas.

Harmonie de la literie d'hôpital
et du petit arrangement des drains où le sang
forme un joli pointillé rouge sur l'oreiller bleu.
Je dévore mon plat : ce n'est pas mauvais et je meurs de faim. Il est déjà un peu tard, j'ai passé quelques temps auprès de A. à l'hopital, où il a subit le matin une intervention chirurgicale sans gravité mais tout de même. Je reprends ensuite le bus empruntant la Langstrasse de mauvaise réputation où s'alignent les bars à hôtesses – comme on dit légèrement pour éviter le mot putes – qui se parent souvent de noms "exotiques" à consonnances latines ou brésiliennes. Une fois hors du bus, quelques minutes de marche dans le froid m'amènent à l'appartement que je sais à l'avance chauffé comme une serre.

1 commentaire:

  1. Bleu, blanc rouge; on fait cocorrico même chez les Suisses?
    Bon rétablissement à A; et aussi à F. sachant que parfois les "infirmières" sont plus fatiguées que les malades qu'elles soignent!

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