lundi 13 février 2012

sdf mdf

Le 21 décembre, écrivant le billet que j'allais ensuite publier sous le titre échappée,  je listais les différents sdf du quartier que j'avais identifiés. 

Celui que je croisais à côté de la salle de gym toujours en train de lire, bien campé dans un assemblage de valises et de couvertures qui finissent par former une assise semblable à un fauteuil, avec dossier incliné s'il vous plait. Ceux qui se tenaient sous l'auvent de la Matmut au coin du boulevard Magenta et qui semblaient parfois, avec leur sièges pliants, en pique-nique. Ceux qui profitent de la chaleur de la grille d'aération du métro, non loin du pigeonnier mirador près de la Poste. Finalement, pour simplifier ce billet-là, j'avais abandonné ce triste listing.

À la première alerte de froid, il y a une douzaine de jours, je rentrais en voiture d'une réunion de travail qui s'était tenue en périphérie de Paris. L'ami qui nous conduisait revenait juste d'Afrique du Sud et était donc très sensible à la différence de température, surtout à cette heure tardive. Nous lui annonçâmes les prévisions météo et les prochaines descentes sous le zéro du thermomètre. "Ce qui est horrible, c'est qu'on sait que des gens vont mourir", commenta-t-il alors.
Cette phrase fit sur moi l'effet d'une sentence et, malgré l'allure de jeu de mot, j'assure qu'elle me glaça.


Sous l'auvent de la Matmut il n'y a plus que des couvertures en désordre. Sur la vitrine, des petits mots collés – poèmes dérisoires –, une photo imprimée, quelques fleurs sur le macadam. "Mon voisin est mort...", clame une écriture enfantine. Un article du journal gratuit Métro est scotché aussi, qui annonce le décès de deux sdf à Paris, dont celui qui "vivait" ici, mort lundi. Il aurait eu 40 ans. 
Je note que cet article indique aussi la nationalité des victimes du froid, l'un polonais, l'autre roumain. Il y a, dans cette précision, quelque chose de louable sûrement : attirer l'attention sur la fragilité de certains étrangers vivants en France, sur le pourcentage d'étrangers dans la population sans abri. Il y a aussi comme une mise à distance, un vil soupir de soulagement : ouf, ce n'est pas moi, c'est un autre, et cela n'arrive-t-il pas qu'aux autres ?

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