vendredi 27 septembre 2019

sur mes traces

Je suis allé passer quelques jours à Amsterdam le week-end dernier. Il faisait un temps magnifique, et ce break m'a vraiment fait du bien.

Ma naïveté aidant, j'ai eu la surprise de constater comme la ville était devenue touristique. Pourtant, plusieurs signaux de cette réalité m'avaient été envoyés : le nombre d'hôtels et de logements qui affichaient complet quand je me suis décidé à cette escapade cet été ; ensuite, les précautions qu'avait montrées le loueur Airbnb que j'avais contacté, qui m'avait informé que les locations de ce type étaient devenues dans la ville très critiquées.
Par chance, l'appartement que j'avais choisi pour être proche d'un ami local se situait dans un quartier parfaitement épargné par cet engouement touristique.



C'est une ville où je suis allé déjà à plusieurs reprises, chaque fois accompagné, et dans des contextes très différents. La dernière fois c'était il y a tout juste dix ans ; j'avais fait alors nombre de photos, profitant du soleil qui était aussi au rendez-vous. Est-ce dans une volonté mémorielle qu'aurait entraîné mon séjour en Creuse fin août (?), j'ai eu envie, rentré à Paris, de retrouver les traces de ma première visite d'Amsterdam. 

Dans un classeur qui contient des planches de diapositives Kodak (les plus jeunes chercheront dans une encyclopédie les définitions de ces mots étranges), j'ai identifié une douzaine de photos de ce périple. Elles sont datées de septembre 1993. Quelques unes sont des photos prises dans le train, les autres dans la chambre d'hôtel que je partageais avec C. (dénommé SdA sur ce blog). On le voit sur six de ces images, et j'apparais également sur deux, C. m'ayant saisi avec mon propre appareil photo. Une diapositive nous réunit : enfin, un détail de nous, un gros plan de nos pieds. C. porte un jean clair et des chaussures noires à bout rond et à larges lacets plats verts ; j'ai un pantalon de cuir noir et des après-skis beiges à lacets rouges. Cette photo, pour anecdotique quelle soit, nous représente bien, dans nos ressemblances et nos différences d'alors.

Aucun de ces clichés ne montrent la ville, sauf un, pris de la fenêtre de l'hôtel, en direction de la rue en contrebas : on distingue l'auvent en plastique ondulé de l'établissement, le pavage, les poubelles de chaque côté de la chaussée, la vitrine d'un grill turc en face, et l'amorce d'un restaurant sur la gauche. Aucun indice ne me rappelle le nom de cette rue ni celui de l'hôtel.

J'ai cherché sur Internet ce snack sobrement baptisé Istanbul, sans vraiment croire que j'allais le retrouver vingt-six ans plus tard dans cette rue-là. Evidemment, cette recherche n'a rien donné. Le restaurant d'à côté semblait porter un nom espagnol se terminant par "inos" : j'ai tenté plusieurs noms au hasard, sans succès non plus, puis j'ai imaginé que c'était peut-être un nom grec...
Bref. Il faut bien être un homme de l'époque du film photographique pour avoir eu l'idée suivante : ouvrir le cache de la diapositive pour voir si un millimètre de photo supplémentaire n'était pas dissimulé par lui, qui me livrerait des indices nouveaux. Bingo ! Quelques lettres de plus de l'enseigne me font comprendre qu'il s'agit de Los argentinos ! Ce resto, lui, est resté à la même place, quasiment inchangé. Je le retrouve sur le Net, et il me permet de localiser cette rue et l'hôtel qui, lui, a été complètement métaporphosé, à l'intérieur du moins. C'est devenu une auberge de jeunesse avec chambres à lits superposés, peintes de couleurs vives.

Je ne sais pas très bien ce que je fais quand je traque ces vestiges de mon passé. Récemment, après la publication des billets sur la Creuse, un ami m'a envoyé un SMS disant : "J'ai lu les derniers articles de ton blog. C'est mélancolique." Je n'ai pas le sentiment d'être nostalgique ou mélancolique. C'est plutôt une forme de surprise qui m'habite quand je me confronte à ce qui a eu lieu, à ce qui a existé. D'où le goût de retrouver les traces, quelque chose auquel se confronter. 
Quand je regarde cette diapositive datant de 1993, je me vois moustachu et un peu barbu, tout de noir vêtu, avec une montre dont je me souviens à cette occasion, et des bracelets de cuir noir également. C'est si loin, inaccessible, et pourtant moi : un accordéon temporel.

1 commentaire:

  1. Je me souviens partiellement de ce séjour, de certains instants avec une netteté fulgurante, d'autres sont beaucoup plus flous. Je me souviens du mauvais temps pour un mois de septembre et de cette impression qui fait que je me suis toujours senti étranger dans cette ville cosmopolite. SdA

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