dimanche 3 juillet 2011

révolution intérieure

Je me souviens quelques instants après la chute de Moubarak, je regardais, ému, les images de la place Tahrir en direct sur le Net quand l'un de mes collègues pointant la scène sur mon écran me dit quelque chose comme : "ça me fait l'effet d'une fête de Nouvel an sur le Titanic". Comprendre : la catastrophe est proche, ils se réjouissent naïvement sans voir que le pire est à venir, que leurs espoirs vont être déçus etc.
Tout dans cette remarque signalait une autre naïveté : celle d'adopter une "méta position" qui ne se légitime ni de la connaissance du pays ni d'une quelconque expertise de la révolution. Le regard de l'Européen sur les pays arabes, encore ?...



Ceux qui connaissent l'Égypte autrement que superficiellement (et donc savent les cadenassages qui entravaient la vie au quotidien) auront compris quelle chape de plomb alors s'envolait et que cela créditait déjà cette révolution naissante de cette victoire-là.


À ce titre, deux documentaires sur l'Égypte de l'émission de France Culture Sur les docks, (heureusement signalés par Sylvie N. sur son blog, voir à droite) sont particulièrement intéressants. Dans les témoignages que l'on y entend, deux dynamiques sont notables qui révolutionnent la façon dont les Égyptiens construisent leur rapport à l'autre.
D'un côté ils se lient mieux individuellement (en qualité et de façon choisie), et d'autre part ils arrivent à s'individualiser au sein de dispositifs qui autrefois les englobaient sans distinction (l'espace public, la religion etc), donc d'une certaine façon ils se délient.
Exemples :  cette femme qui affirme qu'elle comprend maintenant que son rapport à Dieu ne regarde qu'elle, ou cet homme qui témoigne que depuis qu'il peut parler de tout, il existe enfin en entier.
Les deux docs sont signés Joseph Confraveux (qui écrit dans la revue Vacarme, que je découvre à cette occasion) et Jean-Philippe Navarre. 





Lorsque fin mai, en Espagne, j'ai découvert la mobilisation des quelques indignés d'Ibiza, leurs banderoles, leurs déclarations d'intention un peu adolescentes griffonnées sur des feuilles de cahier ou des panneaux de papier kraft, je m'étais fait cette réflexion paradoxale : ça ne sert à rien, et tu ne peux pas dire que cela ne sert à rien puisque c'est. 
L'expérience de ces personnes qui descendent dans la rue pour écrire ces mots, même dérisoires, existe bien, cette expérience a existé différemment pour chacun et chaque manifestant la porte en lui. Savoir quand et par quel moyen cette expérience sera agissante dans la vie de l'individu ou dans le champ social, personne n'est capable de le prédire. 


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