lundi 7 novembre 2011

Lulu revue

Un autre genre d'esthétisme, pas de copeaux, bien qu'une hache s'y fasse entendre : le Lulu donné par le Berliner Ensemble au Théâtre de la ville. C'est d'après Wedekind, mis en scène par Robert Wilson et mis en musique par Lou Reed avec, dans le rôle titre, la très grande Angela Winkler.



L'histoire de Lulu cette fois nous est présentée par le prisme de sa mort, exposée à l'avant-scène, en prologue, en pré-texte. Ensuite la narration s'effectue depuis ce point de fuite : Lulu's death A, Lulu's death B, Lulu's death C...
On est dans une logique de frontalité – c'est cru, c'est là, c'est extrêmement formel, cruel – et dans une fatalité contraire de perspective – tout est lié, sur une même ligne, c'est une mécanique dont le point de départ est là-bas et vers lequel on tend –, fausses contradictions auxquelles le décor rend grâce.



Frontalité et perspective :
ces deux photos sont de Lesley Leslie-Spinks
(la rouge vilainement rephotographiée depuis le programme).

Ici on ne craint pas le malheur qu'apporterait la couleur verte sur une scène : ce sera au contraire la teinte des gants de Lulu dans les premiers tableaux, comme une inversion du costume d'Yvonne Guilbert par Toulouse Lautrec. Ainsi que celle des végétaux phalliques, asperges ou cyprès, qui tressent ici encore la sève et la mort dans leur intimité. Oui, cette vie est un malheur interminable qui ne voit pas de répit.


Le Berliner Ensemble est plus qu'à son aise avec les chansons de Lou Reed : c'est un cadeau pour ces gens-là qui savent tout faire, chanter, danser, jouer, bouger et rester immobiles! Angela Winkler qui, selon Bob Wilson, "est particulièrement douée pour produire le son le plus doux, ce qui est la chose la plus difficile à faire au théâtre" (démonstration qu'elle réalise effectivement), fait presque aussitôt oublier qu'elle n'a pas l'âge du rôle (elle est née en 44).
On pourrait s'agacer du formalisme wilsonien, mais on est vite emporté, conquis par la vitalité des artistes et obligé de reconnaître que rigueur n'est pas sécheresse, au contraire : dans ses plans millimétrés, Wilson fait passer tant d'expression que l'on y trouvera du Pabst et du Kurosawa, du théâtre d'ombre et du cabaret berlinois, du Paul Strand et du Munch selon sa sensibilité, und so weiter.
Ces trois heures de spectacle paraissent trois quarts d'heure.

1 commentaire:

  1. "Mouthwatering" comme diraient nos amis américains (personnellement, je n'ai plus d'amis anglais : je les ai tous tués.) J'irai voir Lulu demain et Georg jeudi. C'est pas mal par le Wetter qui court...
    Le Seigneur des A.

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