jeudi 22 mars 2012

destins

Hier matin je me réveille avec la radio, comme souvent. C'est ce jour que l'on apprend que le tueur de Toulouse, le tireur en scooter, est identifié. Malheureusement pour tout le monde il ne s'agit pas d'un dément qui aurait tué au hasard : il se réclame du Jihad, que l'on traduit souvent par guerre sainte, oubliant par habitude la dimension d'oxymore de l'expression. 
Quelques jours auparavant, toujours à la même heure devant mon café, ce sont les accords d'Évian de mars 1962 que j'entendais célébrés sur les mêmes ondes : la fin de la guerre d'Algérie, conflit dont l'évocation va souvent de pair avec celle des jours de cohabitation heureuse entre les différentes communautés et les différentes religions.
La jeunesse du forcené-jihadiste me déprime un peu. Toujours entre ma tasse de café et mon yaourt aux fruits, j'écoute le commentateur préciser que l'enfant est retranché dans un appartement et que sa mère ne souhaite pas y aller, qu'elle déclare n'avoir plus de contact avec lui ni d'influence sur lui. On cite aussi un frère mais pas de père. La voix du maternel est balayée par celle du Dieu père. Ce dieu-là choisit de drôles d'attachés de presse, et il leur fait bien mal.
On parle déjà d'une identification qui aurait eu lieu il y a plusieurs jours, d'une surveillance datée de plusieurs années : je pense que des questions vont se poser quand au traitement de ces informations. Pouvait-on comprendre, agir plus vite ?

Le soir je glane des informations sur Internet. L'enfant armé est toujours chez lui, il se rendra peut-être. Je prends le temps de lire les billets postés par des internautes : les réactions les plus courantes sont des commentaires sur la durée du siège. Agacement ou cynisme : attend-on le journal de 20 heures pour donner l'assaut ? Mais moi, à l'heure où je lis ces propos, vers 22 heures, je sais que cela n'a toujours pas eu lieu. Il y a quelques mauvaises photos du jeune homme aussi en ligne, j'ai l'impression de voir les images d'un déjà mort.



Christian Boltanski,
Les 62 membres du Club Mickey en 1955,
ADAGP, Paris. Saisi sur le site
www.photoanonyme.fr


Ce matin, nouvelle aube, nouveau réveil, nouveau café. Nouveau jour. Sans doute le dernier de l'enfant-tueur puisque finalement il ne se rendra pas. J'imagine qu'il voulait laisser son nom quelque part. Le fait divers est une façon relativement efficace pour le faire, en effraction. Il y a deux jours la une de Libération ressemblait à une pierre tombale, toute noire avec le nom et l'âge des morts. Celle du Figaro d'aujourd'hui m'évoque un à-la-manière-de Boltanski trop bavard, avec tous les portraits des victimes, et le nom du meurtrier, au centre, en énorme, plus imposant que les images.
Puis à l'heure où j'écris ce texte c'est l'assaut, digne d'une production cinématographique, et l'annonce de la mort de M. M., égaré, instrumentalisé et maintenant inexistant. 

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