mercredi 1 juin 2011

une grâce lumineuse

Marie-Claire Pauwels est morte le dimanche 22 mai. Une amie du journal m'a prévenu dans la semaine, assez tard, la veille de la cérémonie religieuse qui a eu lieu à Paris. Deux jours avant ce coup de fil, je pensais précisément à Marie-Claire et à sa malice si particulière.


C'était une femme très singulière, assez double, qui aimait l'intelligence et la légèreté, aimante et coupante. Son livre, Fille à papa, donne une assez bonne image d'elle : un ton vif et rieur qui se méfie de l'émotion, et un récit intime, peu complaisant, presque impudique par moment. C'est son portrait et celui de Louis Pauwels entremêlés, et celui d'une époque, un certain âge d'or de la presse. À lire sa drôle de vie, on saisit pourquoi Marie-Claire était finalement très atypique, jamais là où on l'attendait.

"Ma mère et moi vivons dans un charmant appartement, dont Louis paie le loyer. Quartier bourgeois, moulures, cheminée. À mes yeux d'alors, le comble du luxe. Louis en fait son pied-à-terre parisien. Il y reçoit ses collaborateurs, organise des déjeuners, accroche ses tableaux préférés, place les meubles et les objets qu'il a souvent choisis avec moi. Il y accueille aussi, avec la complicité de Maman, ravie, celles que nous appelons entre nous, à cause de la chanson de Bécaud, les 'tantes Jeanne'. C'est-à-dire les belles amies de mon père." (p. 84)

"[...] 'Je suis enceinte'. Il marque un temps. Ne me pose aucune question du style : de qui, pourquoi, comment ? Il ne sait presque rien de ma vie actuelle. C'était fou en effet. Mon divorce n'était pas réglé. J'avais quarante ans, je vivais seule avec mon fils de quinze ans. J'étais à la tête du 'magazine des valeurs sûres', ainsi que Louis l'avait défini. Cet enfant, arrivé alors que je ne pensais plus pouvoir être mère, m'apparaissait comme une grâce lumineuse. Peu m'importait l'avis des autres, peu m'importait même l'avis de mon père. Dans ce bureau qui m'intimidait tant, devant cet homme qui pesait si fort sur ma vie, je me suis sentie pour la première fois adulte. 'J'ai décidé d'avoir cet enfant', lui dis-je. En détachant les mots. Un long silence. 'Tu as raison', répondit-il sans plus d'émotion — puis il replongea dans ses papiers." (p.125-126)

Extraits de Fille à papa, Marie-Claire Pauwels, éditions Albin Michel.

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