jeudi 17 février 2011

transmission

Nelly dans sa classe à Marrakech.
"(...) Maintenant quand je suis en France, souvent les gens disent d'un garçon : 'Il est beau comme un dieu.' Je n'y crois pas un instant. Je pense à ce que m'a appris ma cousine : une personne quelle qu'elle soit ne ressemblera jamais à Dieu. Dieu est plus beau, plus fort, pour moi. Le fait d'être musulman ne m'empêche pas d'être avec un chrétien, de coucher avec un juif, je ne cherche pas à imposer ma religion, de même que je n'aimerais pas que quelqu'un cherche à m'imposer la sienne. Je ne cherche pas à convaincre mais c'est ma religion. J'ai pensé que peut-être j'oublierais que je suis musulman si je vivais avec des non-musulmans mais, quand je suis seul, c'est évident, c'est ma religion à moi, je suis une personne musulmane. C'est pour ça que je sortirais de mon lit à une heure du matin pour aider la vieille dame d'à côté qui a mal parce que je ne peux pas dormir si elle souffre, ça vient de ma religion, les gens au Maroc sont beaucoup plus proche les uns des autres, des pauvres, des malheureux, qu'en France. Si quelqu'un a besoin de mon aide et que je peux aider, il faut que j'aide."
L'enfant ébloui, Rachid O.

Je ne suis allé qu'une seule fois dans
l'appartement de la rue de Vaugirard.
Il y avait encore ce corridor laqué
noir très typé où Guibert a pris
cette photo de Michel Foucault.
J'ai un drôle de rapport avec les livres. En début d'année mon "vieux pote" Stéphane me parle dans un mail du dernier bouquin de Matthieu Lindon  (" Bien beau pas seulement parce qu'on y croise beaucoup Daniel Defert. Moi mon début d'année en a été tout bouleversé !  ") alors que j'avais justement envie de relire Hervé Guibert, et puis ce soir c'est Malika qui évoque à son tour ce livre. 
Alléché — comment ne pas l'être — je surfe pour glâner quelques informations. Dans un article de Télérama (08 janvier) je lis cette citation de Lindon (sous la plume de Nathalie Crom) : "ce qu'on ne supporte pas chez un père, c'est ce qu'il vous a légué". 

Pour ma part je suis obligé de considérer que mon cas est pire. Je pourrais sans doute formuler cela de cette manière : "je n'ai hérité de mon père, insidieusement, se révélant sur le tard, que de ce que je détestais le plus chez lui." 
J'y pense confronté à un symptôme étrange que j'ai développé ces dernières années autour des livres. Mon père "aimait" les livres, je place des guillemets car il aurait lui-même utilisé ce verbe. Il achetait des éditions précieuses de certains ouvrages : imprimés sur des papiers spéciaux, avec des reliures particulières, des illustrations ou des gravures inédites, numérotés, en série limitée etc. 
Je détestait cette préciosité. Pour moi, la richesse c'était l'écrit et l'ouvrage en lui-même ne pouvait être qu'objet insignifiant. Lui donner de la valeur, c'était minauder. Un truc de tarlouze presque, qui, en plus, empêchait de manipuler les bouquins à son aise, de les trimballer dans son cartable, de les feuilleter en grignotant, de corner les pages émouvantes... Ce fétichisme autour des livres me paraissait digne d'un anti-lecteur.
Or j'ai constaté chez moi depuis quelques temps une tocade assez similaire : j'ai plaisir à posséder des éditions originales. Aucune idée d'éditions de prix dans ce cas ; il s'agit d'un rapport nostalgique, puisque cela ne concerne que les publications qui me sont contemporaines. En gros, si je veux relire un Barthes par exemple, je vais plutôt tâcher de trouver une édition d'origine plutôt que d'acheter un poche tout bête.
Au début je n'y ai pas prêté attention, c'était presque un plaisir de chineur, sans plus. C'est quand je me suis aperçu que j'avais peur d'abîmer l'un de ces livres en le fourrant dans un sac que j'ai compris : le fantôme de papa et son satané "amour" des livres.

3 commentaires:

  1. Coincidence : j'ai relu L'Enfant ébloui la semaine dernière...

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  2. Cet article me fait penser au livre "les mots" de Sartre...
    Mon amour du livre me vient de mon grand-père maternel.. et aujourd'hui j'apprends avec plaisir à corner les pages que j'aime... 30 ans plus tard...
    et aussi que vu d'ici j'adorerais pouvoir détester quelque chose comme cela chez mon père...que je ne connais pas.
    Peut être y a t il quelque chose que je n'aime pas chez moi qui me vient de lui... ? Ce côté "dérangeant",... souvent à contre temps... à contre emploi... froid parfois... revendicateur, limite revanchard... peut être m'a t il été légué par mon père ?? En tous cas je n'ai pas observé cet aspect côté maternel... j'ai toujours été un peu "l'étrangère" au sein de ma famille...
    Cela pourrait m'aider à mieux l'accueillir chez moi.. comme une découverte de mon père .. à travers moi ?
    Cela me pose toujours cette question de la part de l'inné et celle de l'acquis ?
    Et au delà ...la question du lien filiale dans l'absence total de contact...
    Flore-Emma
    PS : c'est vrai que la préciosité de mon grand-père avec ses ouvrages m'a tantôt hypnotisée, tantôt révulsée...

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  3. Bon j'avais décidé de ne plus poster pour protester contre ce p....de blog qui me fait devenir anonyme au milieu d'anonymes et pire encore....que l'on me confonde avec un autre anonyme!

    Bref Fred tu m'as eu avec ce thème cher à mon coeur d'amoureuse des livres et c'est comme une provocation à écrire.

    Tout d'abord un élan de tendresse envers Nelly que je ne connais qu'au travers les lignes de ce blog et maintenant de cette photo. Que j'aimerais être ce petit élève qui semble rayonner de joie dans cette classe disposée de manière non académique. Cela doit être chouette d'avoir Nelly comme maitresse d'école et je recontacte le bonheur d'apprendre en voyant ces belles bouilles.

    Et ce n'est pas l'école qui m'a donné le goût de ces multiples compagnons mais l'enfer familial. Fuir la souffrance....

    Plus que le livre c'est celui qui l'écrit, que je devine, imagine, son "message", sa poésie, sa musique dont je tombe amoureuse, au fil des pages.

    Je ne renie pas les quelques trésors cachés dans ma bibliothèque,maroquins précieux, éditions originales, dédicaces legs d'un arrière grand père amoureux des livres, d'écriture et de voyage.

    Ces livres m'importent moins pour leur valeur ou leur préciosité que pour le lien qu'ils constituent avec ma lignée; sans eux je me sentirais orpheline et avec eux j'ai trompé tous mes ammants!Dieu que c'est bon!

    Alors en poche, joliment broché, en VO, en occasion, écorné, stabiloté peu importe le livre pourvu que j'ai l'ivresse.

    Yolande

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