mardi 12 octobre 2010

la valse à mille temps

Du mou.
Ce jour c'est le grand retour de mes poumons : radio le matin, consultation avec le pneumo le midi.

Au centre d'imagerie médicale, il n'y a pas la bande son brésilienne, mais un jazz à la Ella Fitzgerald, en sourdine. Je tombe sur la mauvaise opératrice, la petite frisée qui vous parle de l'autre bout la pièce, vous tournant le dos et le visage dirigé vers ses appareils, quand vous êtes encore dans le petit cagibi pour vous déshabiller. 

Est-ce un manque de médecin causé par la grève ? J'attends mes résultats cinquante minutes.
Je remarque que dans la salle d'attente, il n'y a quasiment que des femmes. Deux sont assez belles, avec un style étudié : une élégante, en pantalon noir et blouson de cuir rouge, les cheveux très noirs, boucles d'oreilles concentriques de la même couleur, la peau rose poudre, les yeux noirs aussi, torse assez plat ; l'autre a une peau très blanche, des cheveux presque roux et un rouge à lèvre "pétard", plus de formes, en jupe sur des santiags chocolat, et superpositions de pulls de teintes particulières, violet et bleu canard. Elle pose un dossier de carton jaune acide et orange sur ses genoux et on croirait un tableau. 

Je pars avec mes radios sans voir le médecin qui les a commentées : je "poireaute" cinq minutes devant son bureau et je l'entends tout ce temps s'engueuler avec un collègue ou pester sur un absent, je ne sais ( "et qui c'est le patron" "et il va entendre un autre son de cloche ", etc) tout cela est trop pour moi après une heure d'attente ici.

J'entrevois que la radio du jour n'est pas très satisfaisante et cela me saute aux yeux quand elle est affichée avec celles des semaines passées sur le tableau lumineux du pneumo. Un très très léger mieux, à peine. Le Dr T. n'a pas l'air  inquiet, comme prévu on ne fera pas l'économie d'une friboscopie. La mauvaise nouvelle c'est que je pensais l'intervention bénigne, en réalité elle nécessité anesthésie et petite hospitalisation. Je la repousse au 19 novembre, ce qui n'a pas l'air d'enchanter le cher doc qui préconise, dans ce cas, une nouvelle radio et pourquoi pas un autre scanner ? Non, vraiment pour le scanner c'est non. Je lui pose plein de questions auxquelles il répond sans rechigner, il est pro, j'ai le sentiment  que je l'agace un peu.

Le soir en rentrant je suis fatigué, légèrement déprimé et en allant chercher du pain je tombe sur Farid (voir billet "la rue", 19/09) devant le supermarché. De suite il me fait signe, me demande de l'aider à se lever (il a des problèmes de genou parfois), il a besoin de parler, Laetitia vient à nouveau de le quitter, comme l'année dernière, ça date de cet après-midi, il ne comprend pas, il est dégoûté.
D'avoir vécu la rue et des années de galère assez destructrices, Farid n'en porte rien sur le visage : pas de dureté, pas d'amertume, même pas l'allure d'avoir le cuir tanné par l'expérience. "Il a l'air doux comme un agneau" disait de lui M. O., un ami qui habite aussi dans le quartier. Il se dégage de lui une gentillesse, une forme de candeur même, qui lui confère un certain charisme. Alors le voir dans cet état de désespoir et d'abandon, je l'aurais pris dans mes bras et embrassé (mais je n'ai pas fait).
Il a un oncle, haut fonctionnaire de l'état, qu'il n'ose contacter à cause d'anciennes et obscures affaires de famille. L'année dernière il m'avait demandé de lui trouver son numéro de téléphone (M.O. s'en était chargé), mais il ne s'est jamais résolu à l'appeler, voulant attendre de "s'en être sorti" pour le faire. Cette fois, il parait décidé à lui demander de l'aide.
Oui, j'aimerais qu'il le fasse et qu'il refasse du lien, autre que celui de la rue. Je lui donne un peu d'argent, on prévoit de dîner ensemble cette semaine.

Ensuite, à la maison, c'est le sketch avec le téléphone. Quand je suis avec Alain, Yolande appelle, puis quand je suis avec Yolande, Nelly laisse un message. Je skype avec Nelly, pour la première fois, ensuite je tache sans succès de joindre maman, cela me stresse, le téléphone sonne une fois dans le vide, une fois occupé, une fois bascule sur la boîte vocale, je crie "ça me casse les couilles", j'ai l'air con comme un personnage de Houellebecq puis j'appelle ma sœur savoir si elle a eu ma mère et ma mère rappelle pendant que je parle à ma sœur...
Bon, je vais aller me reposer.

1 commentaire:

  1. Je tombe sur la mauvaise opératrice, la petite frisée qui vous parle de l'autre bout la pièce, vous tournant le dos et le visage dirigé vers ses appareils, quand vous êtes encore dans le petit cagibi pour vous déshabiller.

    J'ai fait les mêmes expériences... au sujet de ma surdité précoce.

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